Se lever à 5 heures… vraiment ?

Lever à 5 heures

Il y a quelques temps déjà, j’ai commencé à voir passer quelques articles qui préconisaient une nouvelle idée à tester et qui peut se résumer ainsi : « se lever à l’aube pour réussir sa vie ». C’est un best-seller paru en 2012 aux USA, The Miracle Morning: The Not-So-Obvious Secret Guaranteed to Transform Your Life, écrit par Hal Elrod, qui a lancé cette idée, au départ assez incongrue à mes yeux – pour 2 raisons.

Se lever à 5 heures

Un sourcil levé

La première c’est que… beaucoup de gens se lèvent déjà à 5 heures du matin, voire bien plus tôt. Les ouvriers pour rejoindre l’usine, les hommes et femmes de ménage, les chauffeurs de bus, les éboueurs, les restaurateurs, les fleuristes… et j’en passe. Il est donc clair que le livre s’adresse plutôt à ceux qui… ne se lèvent pas si tôt, et dès sa lecture, on comprend que la cible est constituée des cadres et cadres supérieurs, de « l’élite », pas des classes ouvrières… Le descriptif de la version française, qui est parue ce 10 mars, donne tout de suite le ton.

Quel est le point commun entre Richard Branson, patron de Virgin, Anna Wintour, directrice du Vogue US, Tim Cook (Apple), Marissa Mayer (Yahoo !) ? Le succès ? Certainement. Un emploi du temps de ministre ? Aussi. Mais surtout un secret jusqu’ici bien gardé, et lumineux une fois révélé. Toutes ces personnalités ont l’habitude de se lever avant l’aube, et de démarrer leur journée par une à deux heures rien qu’à eux. Deux heures pour faire du sport, méditer, se cultiver, mettre en route leur journée… Devenir meilleur, en somme !

La deuxième, c’est qu’on parle déjà depuis un moment du fait que les Français raccourcissent de plus en plus leur temps de sommeil… au détriment de leur santé. Selon une étude parue en 2015, le déficit global de sommeil des Français sur un an atteint les 15,6 milliards d’heures. En moyenne, il manque à chaque Français 6,1 heures de sommeil par semaine pour être en forme au travail… Or les cadres se couchent déjà bien tard, attirés par les écrans, ou consacrant leurs soirées à leurs loisirs (ce qui est quand même normal). Si en plus on doit se lever à 5 heures, cela pose une question toute bête : on dort quand ?

En même temps, l’idée de prendre 2 heures « pour soi », au calme, sans être dérangé par le téléphone, les enfants, le bruit de la ville (si on y vit, mais c’est souvent le cas si l’on est cadre) est assez séduisante. Pouvoir se concentrer sur soi, avoir le temps de se faire un bon petit déjeuner, lire un livre tranquillement, se faire une manucure… Oui, mais non. On se rend vite compte à la lecture de ce livre que ces fameuses 2 heures sont censées être consacrées non pas à son soi « personnel », à des loisirs, mais à la réussite et à la productivité. Du sport, oui, pour être en forme pour travailler, de la lecture, oui, mais orientée vers la connaissance de son business et réussir au travail, de la méditation pour pouvoir gérer le stress de sa journée au travail, la coiffure, l’esthétique et une tenue réfléchie pour paraître au top et montrer sa plus belle image au… travail, séances de coaching ou petits-déjeuners professionnels dans l’optique de réussir encore mieux dans son… je vous laisse compléter la suite. On n’est pas totalement dans la détente, plutôt dans la productivité. Encore et toujours.

Encore et toujours, parce qu’avant le réveil à 5 heures, on a institué depuis une quinzaine d’années, sur le modèle américain, les « afterwork » et dîners professionnels, pour cultiver son indispensable « réseau ». Si l’on vit dans les grandes villes, on doit donc y ajouter les temps de transport… Si l’on compile le tout, le cadre qui veut réussir se lève à 5 heures et rentre à 10 heures (voire plus tard) et consacre toute cette plage de sa journée au travail. Soit 17 heures, si je calcule bien… car même le midi on déjeune « business », ou on avale un sandwich sur le pouce pour continuer à travailler ou vérifier ses posts sur Twitter… ne jamais perdre de temps ! C’est un choix de vie… mais la rémunération a quand même intérêt à être à la hauteur, non ? Les grands patrons américains cités par l’auteur sont peut-être dans des positions suffisamment élevées pour obtenir une compensation gigantesque, mais avoir aussi une journée moins stressante que le cadre moyen.

Si l’on creuse encore plus, « sous couvert de développement de soi, c’est d’abord de plus grande efficacité du travailleur qu’il s’agit. Et il semble aller de soi que cette plus grande efficacité relève aujourd’hui de la seule responsabilité individuelle, et non plus de l’organisation collective du système productif, qui en réalité l’exige. » (Le Monde). S’agit-il vraiment de développement personnel, ou au contraire un asservissement encore plus grand au travail, à la pression de la réussite professionnelle, financière, et derrière au matérialisme et à la surconsommation ? Atteindre enfin le summum de nos capacités demande-t-il autant de sacrifices et d’abnégation ? Et qu’en est-il du problème du burn-out, qui amène de plus en plus de cadres à l’hospitalisation voire au suicide ?

Avant de décider de faire sauter la Bourse, temple de ce capitalisme à outrance, ou de tout quitter pour élever des kangourous au Pérou (au choix), on peut aller lire les témoignages de ceux qui ont décidé de se lever à l’aube. Car il est vrai que l’adage « le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt » est parmi les plus solidement ancrés dans cette fameuse « sagesse populaire »…

Les témoignages

Une journaliste de ELLE, Laura Boudoux, a testé le réveil ultra-matinal pendant une semaine. Verdict : une nouvelle façon de voir son premier moment de la journée, mais le vendredi, c’est baillements à gogo et dodo à 22h, alors que les autres fêtent le début du weekend au resto. Le calcul est rapide : si comme beaucoup de Français votre besoin de sommeil se situe aux alentours de 8 heures par nuit, pendant la semaine votre coucher doit se situer à 21h30 pour faire une nuit complète. Quand on est cadre et urbain, c’est quand même sacrément tôt… vous ne voyez jamais la fin du film du soir – sauf si vous l’enregistrez et la regardez le lendemain matin, ce qui est une option que j’ai déjà pratiquée à une époque. Et si vous rentrez déjà tard…

De plus, si vous avez 2 enfants et 45 minutes de bouchons quotidiens, c’est lever à 6h15 de toute façon… et pas forcément la possibilité de méditer. Une solution peut être, pour trouver une heure de plus avant le branle-bas de combat, serait de se coucher en même temps que ses petits bouts. Mais dans le monde occidental du XXIème siècle, se coucher à 20h30 c’est être déjà vieux !

Pour certains, c’est déjà une habitude : « je me lève à 5h tous les matins depuis 20 ans pour aller courir ; mais je suis une petite dormeuse et je suis plus dynamique et efficace le matin que le soir ». Tous ceux qui ont adopté ce rythme sont convaincus.  « Plus heureux, plus concentré, plus motivé, plus serein ». Certains ont enfin commencé à écrire ce livre qu’ils rêvent de publier, d’autres ont appris à méditer. Pour les « contres », ou les points négatifs, ceux qui reviennent le plus souvent sont l’impression de mettre sa vie sociale entre parenthèses, et d’avoir l’impression d’avoir 80 ans quand on se couche à 22h. La fatigue aussi, surtout au début, quand le sommeil n’est pas calé, et le gros coup de barre après le déjeuner. C’est souvent là que le bât blesse : la sieste ne fait vraiment pas partie de nos coutumes. Pourtant, de nombreux pays l’ont adoptée, son efficacité en termes de productivité est prouvée, et 19 % des salariés français avouent «piquer du nez» en cachette sur leur lieu de travail, selon une enquête commandée par l’Institut national du sommeil et de la vigilance. Soit près d’un sur cinq! On préfère encore se gaver de café… Une petite sieste suivie d’une petite marche pour prendre la lumière, surtout quand on se lève et se couche quand il fait nuit l’hiver, c’est l’idéal. Et dans ce cas, un lever ultra-matinal devient possible pour plus de monde.

Se lever à 5 heures sieste

Les bonnes idées à retenir

En interrogeant mon entourage sur leurs habitudes et techniques d’optimisation de leur temps et de leur énergie, je me suis rendue compte qu’il y a deux écoles : ceux qui se lèvent le plus tard possible et courent en buvant un simple café sur le pouce, et ceux qui aiment avoir du temps le matin. On se rend compte qu’au-delà de cette méthode, c’est la vision de son emploi du temps et de ses priorités de vie qui sont à poser et à étudier.

Pour certains, la semaine n’est qu’un long tunnel, qui se finit le vendredi soir. Une course du lever au coucher, et même pas forcément une nuit complète. Le « lever tôt » fait réfléchir au « coucher tard » : pour certains, qui n’aiment pas leur travail, le soir est LE moment de la journée pour décompresser et profiter, et inconsciemment ou non, certains repoussent l’heure du marchand de sable parce que se coucher signifie devoir se lever… et aller au boulot. Parce que la journée a été tellement pénible que regarder des films, des films, des films, permet de se distraire de ses soucis (je le sais, j’ai pratiqué). Pour d’autres, ne pas sortir le soir c’est manquer tout ce qui est tendance, tout ce qu’il faut voir ou faire, c’est rater sa vie en quelque sorte.

Et pour les autres (dont je fais partie), c’est deux heures minimum le matin avant de partir (ou de se mettre à son bureau quand on travaille de chez soi). C’est à la fois parce que j’aime prendre mon temps pour tout : m’étirer, me préparer et manger un bon gros petit déjeuner, avoir le temps de me faire belle (ce qui à mon âge et vu mon sexe prend bien plus que 6 minutes rasage compris), de ranger un peu, de lire un peu, de partir tranquillement, d’arriver cool, et même d’avoir le temps de marcher quelques minutes avant d’entrer dans ma boîte à boulot. Je suis devenue allergique au stress. C’est presque politique : je veux que ma journée commence par un moment pour moi, et je passe avant mon travail. Je ne réactive mes notifications sur mon smartphone et ne lis mes mails qu’une fois mon « matin à moi » terminé et ma journée de travail commencée. En free-lance, je consacre une bonne partie de ma matinée à bouger, car je suis plus concentrée l’après-midi. Je fais le ménage, mes courses, du sport, du bricolage, du repassage… pour ensuite me mettre devant mon écran, et souvent jusque tard.

Selon les médecins spécialistes du sommeil, ce qui est bon pour tous c’est :

  • de programmer son réveil au moins une heure et demie avant de partir de chez soi. Pour ne pas commencer la journée dans le stress et la course.
  • de se lever tous les jours à la même heure. Et oui, même le weekend… quitte à faire une sieste dans l’après-midi. Si on se couche à 6h du mat’ après une nuit débridée, évidemment, le « morning miracle » n’existera même pas. Mais il ne faut pas non plus se contraindre à une vie trop stricte…
  • de grimper dans ses chaussons Mickey dès que son réveil sonne. La fonction « Snooze » est à bannir. Dans l’idéal, si vous avez bien profité de votre nuit, vous devriez même vous réveiller avant qu’il ne sonne.
  • de prendre quelques minutes, au lever ou avant le petit-déjeuner, pour méditer, ou simplement se concentrer sur ses objectifs de la journée. Bien assis(e), le dos droit, sur une chaise, et les yeux ouverts !
  • Faire du sport le matin, idéalement à jeun, en prenant quand même quelques fruits secs et un thé léger, et un vrai petit déjeuner après : fromage, jambon… les protéines sont à privilégier, avec la réhydratation.
  • Le déjeuner peut être ainsi light et permettre d’éviter la somnolence. Si vous pouvez faire une petite sieste de 20 minutes après votre pause lunch, c’est idéal…

La pratique de la méditation demande de la pratique et de la persévérance. On peut la remplacer par la Pleine Conscience, par exemple sous la douche, c’est ce que je fais. Se concentrer sur la sensation de l’eau chaude, du carrelage, des sons, de son corps, profiter de ce moment en étant dans le présent, et plus en réfléchissant à toutes les corvées à venir tout en écoutant les news à la radio (ce que je faisais). Préparer son café ou son thé en silence (je fais aussi, genre « Maître Zen et sa théière »). Se concentrer sur les odeurs et les goûts pendant le petit déjeuner… Ne surtout pas se brancher sur les infos à la télé, ou alors, à la fin de la « routine », juste avant de partir au travail : psychologiquement, cela peut permettre de se mettre en mode « boulot ». Surtout, surtout, ne pas se connecter aux réseaux sociaux… on est alors à l’opposé de l’esprit de la « morning routine » qui nous rend zen, centré et apaisé.

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Après, tout dépend de sa nature et de ses besoins, de la nature de sa vie professionnelle et personnelle (fatigue physique ou besoin de récupération mentale, de décompression). Si vous êtes d’une nature couche-tôt, et si en plus vous avez l’immense chance (comme un ami à moi) de n’avoir besoin que de 5 heures de sommeil, c’est évident… se lever à 5 heures c’est la garantie d’avoir du temps pour soi, dans un calme olympien. « Si en revanche vous êtes un gros dormeur et plus efficace quand la nuit tombe, oubliez cette idée. Vous ne serez pas plus heureux mais simplement plus fatigué et jouerez avec votre santé », affirme Claire Leconte, professeur de psychologie de l’éducation à l’Université de Lille 3 et spécialiste des rythmes de vie.

Cela peut aussi dépendre des saisons : l’été, je peux me lever à 5h ou 6h, car de toute façon il fait trop chaud ensuite, et profiter du soleil dès qu’il se lève. Se coucher tard, parce que soirées d’été, mais récupérer les heures manquantes avec une grosse sieste entre 12h et 15h, à l’espagnole, après un déjeuner léger à midi, comme une salade – et pas de rosé ! L’hiver, je vais me lever suffisamment tôt pour avoir du temps le matin, mais surtout parce que l’hiver, j’hiberne et je me couche plus tôt… Comme pour d’autres, le manque ou la présence de lumière est déterminant dans mon rythme personnel.

Le fait de faire un peu d’exercice, au moins des étirements et des échauffements, est une excellente idée pour bien se réveiller. Quelques minutes suffisent pour réveiller ses muscles et ça, tout le monde peut le faire, si c’est en douceur et à son rythme. Le sport le matin peut aussi convenir à pas mal de gens, notamment ceux qui n’en ont plus le temps ou le courage le soir. Une demi-heure de footing au réveil suffit pour être en forme, seuls les forcenés de la life iront courir une heure par -30. Mais ça peut aussi être RIEN, du tout, car tout le monde n’a pas la pêche, ou un quartier suffisamment éclairé avant l’aube, ou la santé, d’aller faire du rameur à 4 heures du mat’. Il y a aussi l’option DVD de zumba ou de yoga sur la télé dans son salon, un peu de rameur… bien au chaud et pas sous la pluie (ou entre les pots d’échappements).

En fait, je pense que c’est à chacun de trouver son bon horaire (lever à 4h, 5h, 6h…ou 8h, 9h, 10h…) et sa routine à soi. Surtout, ne pas être rigide, et se forcer à faire ce que l’on n’a pas envie de faire, même si c’est censé nous être bénéfique. S’écouter, et voir ce que l’on préfère : écrire, lire, penser, méditer, ou bouger, selon ses priorités de vie… Tester, sur plusieurs semaines, en variant l’ordre et les activités. Le but ultime de ce lever très matinal reste de pouvoir enfin avoir du temps pour faire ce que l’on repousse toujours à plus tard, d’être un bon moment… pas de se torturer ni de passer de mauvaises journées en étant complètement crevé(e) sous prétexte d’être « tendance ». Je vous préparerai bientôt un résumé des propositions données dans « Miracle Morning » avec ma petite touche personnelle.

Et vous, avez-vous testé la routine du Miracle Morning ? Qu’en pensez-vous, avez-vous aimé, adopté ce nouveau rythme ? Sinon, pourquoi ? 

Se lever à 5 heures… vraiment ?, un article signé Sophie Girardot. Le texte de cet article est la propriété de son auteur et ne peut être utilisé sans son accord et sous certaines conditions. Sources / Crédits

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Sophie Barbarella

Auteure et conférencière

1 réponse

  1. Audrey dit :

    J’adore me lever très tôt.. Cette sensation de calme intense, de ressentir au plus profond de moi-même que le monde n’a pas encore commencé sa course. Et pourtant je ne le fais que très rarement, malgré une liberté d’emploi du temps. Je suis une grosse dormeuse, et une grosse scanneuse, du coup je suis mes envies, mes passions, mes lubies .. Et je dors quand j’en ai envie ^^ Tôt, tard, pas du tout ou en mode sieste. Heureuse d’avoir déniché ce blog ! Tendrement, Audrey.

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